mardi 8 juin 2010

Mille et une indes

J'ai quitte les hauteurs silencieuses ou regnent la tranquilite et la serenite pour retrouver la plaine surpeuplee, fourmillante et a l'activite frenetique ...
J'ai quitte des enfants aux mollets poteles qui descendent tous les jours de leur montagne pour aller a l'ecole pour retrouver des gamins crasseux aux pieds nus qui quemandent quelques roupies a travers les barreaux des fenetres des trains ...
J'ai quitte la jungle sub-tropicale, les flamboyants en fleurs, comme des gouttes de sang dans l'ocean de verdure des plantations de the pour retrouver les manguiers aux branchent qui ploient sous le poid des fruits gorges de sucre ...
J'ai quitte un ciel changeant, clair et ensoleille le matin, orageux et pluvieux l'apres-midi, nuit etoilee, et temperatures printanieres pour retrouver les paysages arides, le vent brulant, les nuits a plus de 25 degres et des yeux tournes vers les cieux a se demander quand la mousson va-t-elle bien arriver ...
J'ai quitte les hordes de cervides et de sangliers, l'ours noir des sommets pre-himalayens, les yacks qui ne descendent en-dessous de 200m que pour venir charger leur cargaison pour retrouver les troupeaux de buffles paresseux qui refusent de sortir de leur mare, les paons sauvages qui se promenent en couple au coucher du soleil et les vols de perruches bleues ou vertes ...
J'ai quitte les momos, les tukpa, la chang et le fromage de yack pour retrouver les chapatis, les curry de legumes, le masala tchai et les jus de mangue glace ...
J'ai quitte le nepalais et le sherpa pour retrouver le hindi et l'heureuse surprise qui se lit sur le visage de mes interlocuteurs lorsque j'arrive a aligner 3 mots dans leur langue maternelle ...
J'ai l'impression d'avoir quitte l'Inde pendant c'est deux mois d'exil dans le nord ... comme un voyage dans le voyage!

vendredi 28 mai 2010

Cent pour sang Sherpa

Ouvrir les yeux a 4h du mat et sans prendre le temps de se les frotter, se precipiter dehors pour voir si le ciel est degage

S'em
parer de son baton de marche et grimper tout en haut de la montagne sans perdre son souffle

Ne s'arreter que pour se defaire des sangsues qui attendent notre passage sur le sentier

Apercevoir enfin les sommets et finir l'ascension a cent a l'heure pour arriver avant les nuages

S'asseoir et admirer les montagnes qui culminent a plus de 6600m

S'abandonner a leur pouvoir hypnotisant

Repeter sans cesse que "C'est beau quand meme hein..."

S'en retourner une fois que tous ces puissants Seigneurs se sont couverts de nuages

Devaler les 500m de denivele en dansant, a travers les forets de rhododendrons et la jungle aux cris d'oiseaux retentissants


Devorer le petit dejeuner sans imaginer une seule seconde en laisser une miette

Faire une petite sieste, en fin de matinee, sans scrupule, la conscience tranquile, fiere et heureuse du parcours deja accompli alors que la journee vient de commencer

En debut d'apres-midi, rendre visite au village voisin et sans gene, entrer dans les maisons et s'asseoir dans la cuisine

Se laisser impressionner par la force d'un grand-pere presque centenaire qui barate le beurre pour toute la famille, revetu de l'habit traditionnel rien que pour la photo

Se sentir la bienvenue, comme un nouveau membre de la famille qui ne peut pas refuser un 5eme the dans la journee, un morceau de fromage fume au lait de yak ou une louche de lait frais

Penetrer dans la chambre famililale ou trone l'hotel bouddhiste et s'enivrer des vapeurs d'encens qui donne a l'endroit une spiritualite naturelle

Rentrer a la maison, s'isoler un instant et repenser a tous les sentiments qui ont donne de la couleur a cette journee

En attendant l'heure du diner, observer la vallee et s'emerveiller devant les centaines de foyers qui s'illuminent a la nuit tombante

Deguster le diner cent pour cent vegetarien et bio aux saveurs melangees de cuisine indienne et nepalaise

Sentant la fatigue venir, remercier encore une fois tous les membres de la famille pour cette journee tres enrichissante

Ne pas pouvoir s'endormir sans penser qu'au petit matin le ciel sera peut etre degage et qu'il y aura une vue sensationnelle sur les montagnes ...

12 jours passes avec une famille Sherpa adorable, dans un cadre exceptionnel, aux confins du West Sikkim : a jamais graves dans mon coeur. Desormais, un peu de sang sherpa coule dans mes veines.

dimanche 16 mai 2010

Question pour un champion

Et nous rendons l'antenne a julien Lepers pour la finale des champions!

Top!

Ancien royaume cree en 1642 par trois lamas bouddhistes venus du Nord, de l'Ouest et du Sud et qui s'etablirent a Yuksom, ma premiere capitale.
L'origine la plus acceptée de mon nom est la combinaison de deux mots limbu : Su, qui signifie « nouveau », et Khyim, qui signifie « palais » ou « maison » en référence au palais construit par le premier monarque de l'État, Phuntsog Namgyal.
Les Lepchas, mes premiers habitants, m'appelaient Nye-mae-el (« paradis ») et les Bhutia me nommaient Beymul Demazong, (« vallée secrète du riz »).
Des 1700, je connais une serie d'invasions venues du Bhoutan et principalement du Nepal mais c'est finalement la dynastie Qing, venue de Chine qui prend le control de mon territoire a la fin du XVIIIe siecle.
L'ironie de l'Histoire veut qu'au court du siecle suivant je vais m'allier avec mon ennemi, le Nepal, pour me defendre contre l'invasion anglaise mais en 1890, je deviens malgre tout un protectorat britannique.
En 1973, à la suite d'émeutes devant mon palais, je demande officiellement la protection de l'Inde, mon voisin. Mon monarque devient extrêmement impopulaire et le 16 mai 1975, la monarchie est abolie et je deviens officiellement le 22e État de l'Union indienne.
Avec seulement 7100km2, je suis le deuxieme plus petit etat de l'Inde apres Goa mais aussi le plus eleve avec mon sommet, le Khangchendzonga, qui culmine a 8585m d'altitude et le moins peuple aussi.
Entouré par les chaînes de l'Himalaya sur mes frontières nord, est et ouest, je possède 28 sommets, 21 glaciers, 227 lacs d'altitude dont le Tsongmo, le Gurudongmar et le Khecheopalri. Huit cols me relient au Tibet, au Bhoutan et au Népal.
Mes pentes rocheuses et à pic rendent la plupart des terres impropres à l'agriculture. Toutefois, certains de mes coteaux ont été convertis en terres agricoles en utilisant des techniques en terrasse. Environ un tiers de mon territoire est densément boisé.
Encore peu touristique, je recois tout de meme plus de 15.000 touristes indiens pendant mon seul mois de mai, ma haute saison, et plusieurs milliers de touristes occidentaux venus randonner sur mon relief varie.
Leur sang chaud des plaines regale les sangsues et toute sorte d'insectes qui habitent la jungle subtropicale qui couvre la partie sud de mon territoire.
Je les console en les regalant a mon tour des le reveil de vues magnifiques sur mes sommets et de randonnees diverses et variees.
Mon administration peut paraitre au premier abord tres stricte mais j'accorde tres facilement des extensions de permis et je suis bienveillant envers les touristes qui viennent decouvrir les richesses de ma culture tibeto-nepalaise.
Je cree un effet euphorique chez de nombreux occidentaux qui restent hypnotises par le spectacle de mes sommets enneiges, les troisiemes plus hauts au monde, et qui offrent une vue imprenable sur l'Evrest et toute la chaine de l'Himalaya.
Je developpe un tourisme solidaire a travers de nombreux home-stay, parfois dans des endroits recules, perches sur une crete, dans des villages ancestraux ou vivent encore des familles de sherpas.
Et enfin, je monopolise tout le temps et l'attention de votre devouee globe-trotteuse depuis 3 semaines et pour encore 10 jours ...

Je suis ...
Je suis!
Je suis?

Le SIKKIM !
C'est gagne!!!

mercredi 12 mai 2010

RTF

Nous prions nos aimables "spectateurs" de nous excuser pour cette interruption momentannee de nos programmes. Nos techniciens font leur possible pour retablir au plus vite la connection avec le monde civilise. Merci de votre patience.

dimanche 4 avril 2010

Inde de coeur

Il avait de bonnes raisons d'etre triste le petit Remi qui n'avait pas de famille! Comme ce doit etre triste une vie sans famille ... Moi j'en ai plusieurs et ca me donne envie de chanter : "Je m'appelle Vicky, j'ai plein de famiiiillEUs"! (ici c'est comme ca qu'on m'appelle!)
J'ai ma famille de sang et de coeur bien sur, j'ai mes amis que je considere plus comme des freres et des soeurs, j'ai ma grande soeur peruvienne, Marita, et toute sa famille qui m'avait accueillie pour mon premier Noel loin de chez moi et maintenant j'ai une famille indienne : la famille Yadav d'Orchha, de la caste des laitiers depuis ... des siecles!
D'abord il y a le pere, Suren, qui a 32 ans, qui travaille comme cuisinier chez la responsable de l'asso. Il se marre tout le temps, pour lui la vie a l'air d'etre un jeu pourtant, il est frustre ... Parce que sa femme, Kiran, 28 ans, qui vient de la ville, lui a donne deux enfants par cesarienne et ne pourra pas en avoir d'autre ... Ce qui ne la derange pas car elle a deja deux filles, Mini(= petit), 9ans, et Khushi(=heureux), tout juste 4 ans! Mais les filles en Inde, ca se marie et ca part vivre dans le village de leur mari. Qui prendra soin de Suren et de Kiran lorsqu'ils seront vieux? C'est pour ca que Suren voudrait un fils! Il en voudrait tellement un qu'il parle souvent de prendre une autre femme. Ici, ca ne choquerait personne puisque c'est pour des raisons "medicales". Alors c'est au grand desespoir de Suren qu'il m'a adoptee, moi, une troisieme fille de 2 ans son ainee, a la langue trop bien pendue et qui lui rappelle a chaque fois qu'il s'egare qu'une deuxieme epouse lui donnerait peut etre aussi une fille mais que ce serait 2 bouches de plus a nourrir et que c'est scientifiquement prouve : c'est le pere qui determine le sexe de l'enfant, pas la mere! Une vraie saga familiale en "hinglish" qui a dure 2 mois pour mon plus grand bonheur!
Pele-mele, voici tout ce que je n'oublierai pas : l'avalanche de questions quand j'ai deballe mes saccoches devant les filles ; la fierte de tous ceux qui ont essaye mon velo (avant qu'ils ne cassent le derailleurs car ils ne savent pas utiliser les vitesses ... J'avais ete prevenue et j'ai repare de mon mieux mais la mecanique chinoise c'est vraiment pas ca!) ; mes premiers mots en hindi ; l'atelier d'aquarelle avec les filles et Kiran, la rapide complicite avec Kiran avec qui parle un peu anglais, les confidences, les fous rires, les fois ou on a ete toutes les deux frustrees de ne pas arriver a se comprendre, la fois ou Suren m'a demande d'emmener Mini avec moi en France (heureusement Dheeraj etait la et a pu traduire ma reponse), celle ou les filles ont rate leur rickshaw pour aller a l'ecole et que je les ai emmenees toutes les deux sur mon velo, lorsque les femmes de la rue d'Asha m'ont aide a acheter des bracelets au vendeur ambulant (elles ont l'art et la maniere de combiner les couleurs et les nombres!), les nombreuses fois ou je me suis laissee tresser les cheveux "new indian style", celle ou je les ai laissees me mettre un saree (plus d'une demi-heure pour un bout de tissu et 5 epingles a nourrice alors qu'il faisait au moins 30 dans la piece!), le petit-dejeuner a emporter le matin ou je suis partie qu'ils ont refuse que je paye ... Tant et tant d'autres choses!
Alors je reviendrai, je l'ai promis, comme j'ai promis d'etre la pour le mariage des filles! C'est pour ca que j'ai laisse mon velo la-bas, parce que lorsque j'y retournerai j'aurai plaisir a le retrouver et je ne serai pas obligee de louer un de leurs affreux velos a pignon fixe! Et puis je n'avais plus envie de pedaler alors inutile de m'ecoeurer car j'envisage bien de remonter en selle une autre annee dans un autre pays! J'ai la sensation d'etre arrivee le plus loin que je pouvais pour le moment sur mon chemin. Je suis extremement reconnaissante a mon Chino et a ma Belle de Shanghai pour tout ce qu'ils m'ont permis de decouvrir : a mesure que mes jambes tournaient, ma reflexion avancait! Le voyage a velo est une vraie ecole de la vie. Je connais maintenant un evantail plus riche de sentiments, j'ai assouvi pour le moment ma soif de voir par moi-meme et j'ai hate de rentrer pour realiser la liste de "choses a apprendre" et de projets de nouvelle vie. Je me sens parfois "inutile" et "inactive" en voyage ... J'ai ete tres surprise la premiere fois! Et pour finir de me convaincre, je n'ai plus envie de vivre toutes ces aventures toute seule et puis ils conduisent comme des malades ici, ils kloxonnent encore plus fort qu'en Chine et il fait trop chaud! Alors apres avoir pese le pour et le contre, m'etre battue contre l'idee negative d'avoir echoue alors que c'est tout a fait realisable, avoir pense a vendre mon compagnon de route, je l'ai finalement laisse a Orchha, chez moi!
J'ai repris la route, en train! Pour l'est puis le nord! Je ne peux pas dire que j'ai vu grand chose de l'Inde mais j'ai vu un bout d'Inde intime et c'etait exactement l'experience que j'esperais!

lundi 29 mars 2010

le printemps indien

Ici le printemps commence avec le mois de mars, mais ce ne sont pas les hirondelles qui font le printemps, ce sont les couleurs! Le festival de Holi est celebre par les populations hindoues pour marquer le triomphe du bien contre le mal, le retour de la vie apres les quelques mois engourdis par l'hiver!

En janvier, j'avais promis aux gamins rencontres a Khajuraho avec Delphine de revenir pour feter Holi avec eux donc j'ai quitte Orchha pour quelques jours (si si ca arrive, je peux le faire! LOL). Avec trois autres francais, on a offert aux gamins un Holi qu'ils ne sont pas prets d'oublier : plus de 30kg de poudre de 3 couleurs differentes, un DJ et son mur d'enceintes et plus de 4h de folie! On a commence vers 9h du mat a courir dans la rue apres ceux qui n'avaient pas encore ete barbouilles de couleurs ou qui voulaient echapper a la tradition de Holi. Ensuite on est alles danser sur des rythmes electroniques en jetant nos couleurs en l'air : l'atmosphere etait saturee de poudre. Certains apres ca sont arrives avec de l'eau et le melange poudre-eau nous a tous irremediablement couverts d'une couleur nouvelle, le melange de toutes les autres! Mes cheveux n'ont pas encore totalement retrouve leur couleur naturelle apres un mois! Puis dans la folie ambiante, les garcons se sont mis a dechirer les tee-shirts de leurs amis et meme des touristes (hommes) qui s'etaient joints a nous! Certains se sont meme retrouves en slip mais toujours dans la bonne humeur. Meme s'ils ne sont pas riches et qu'ils ont souvent des chaussures ou des vetements troues, ils sacrifient avec plaisir un tee-shirt au nom de la tradition. Apres tout ca, il etait hors de question de rentrer dans cet etat a l'hotel donc on est alles plonger dans l'etang, moi aussi, toute habillee bien sur car c'est deja assez exceptionnel qu'une fille se jete a l'eau avec eux alors ... Tout le monde etait tres heureux : beaucoup on dit que c'etait le meilleur Holi de leur vie ; des journalistes sont venus nous filmer et nous interwiever et des "espions" du Maharaja de Khajuraho ont rapporte les faits au palais si bien que le lendemain, il a decide d'organiser lui aussi une fete!
Le lendemain c'etait la fete des freres et soeurs ... donc bien sur il y a encore eu des couleurs dans l'air! Mais par contre cette fois-ci, ceux qui portaient leurs beaux vetements n'etaient pas mais pas du tout contents de les voir taches et irrecuperables! Il y a eu de la vengeance dans l'air le lendemain ce qui veut dire que pendant 2 jours il valait mieux raser les murs! Une fois rentree a Orchha, nous avons organise un mini Holi avec les familles du Homestay car ils n'avaient pas eu le plaisir de me couvrir de couleurs!

Et puis les couleurs ont peu a peu disparues des echoppes des marchands et nous nous sommes concentres sur la preparation de la journee internationale de la femme, le 8 mars. C'etait la premiere fois que quelque choses etait organise dans le village de Ganj. Nous avons invite les femmes du conseil municipal, les femmes du village bien sur : l'idee etait de les faire parler de leurs difficultes, de leurs conditions de vie et de leurs espoirs pour la prochaine generation de femme. Cette rencontre a ete TRES instructive! Les femmes de Ganj ont souhaite parler du probleme de l'eau qu'elles doivent aller chercher plusieurs fois par jour a la pompe ou au puit. C'est un travail ereintant qui, les mois d'ete, devient vite inhumain. L'association a le projet de faire venir l'eau courante dans toutes les maisons du village mais ce n'est pas si simple, c'est couteux et certains essaient d'en profiter pour s'en mettre plein les poches en vendant 100 fois le prix les 3m2 de terrain que l'asso veut leur acheter ... Ce sont les femmes les plus agees qui ont parle : elles n'ont pas peur des hommes qui etaient presents mais qui n'ont pas pris part au debat. Certaines se sont exprimees avec vehemence et je me suis sentie mal a l'aise pour les conseilleres municipales qui ne sont pas directement responsables et qui pourtant auraient pu se sentir accusees. Au lieu de ca, elles nous ont meme accompagnes jusque devant chez une autre famille ou l'asso a plante un arbre (qui apportera un peu d'ombre dans quelques annees) qui symbolise la vie et je l'espere une amelioration grandissante des conditions de vie des femmes. Les plus jeunes n'ont pas ose prendre la parole devant les hommes malgre mes encouragements et je les comprends ... L'ironie veut que pour cette rencontre, nous avions prepare des fauteuils pour les conseilleres et quelques chaises en plastiques pour les hommes qui les accompagnaient ... Elles se sont instinctivement assises sur le cote, sur les chaises en plastique et les hommes ont pris place dans les fauteuils, au centre : qu'ils soient maire, employe de l'asso ou simple cuisinier, il est ecrit dans leur histoire que les femmes ne peuvent pas etre mieux installees qu'eux! Je ne les juge pas car c'est simplement la tradition depuis des siecles, depuis l'invasion musulmane, et puis nous ne sommes pas mieux qu'eux qui respectent largement plus que nous la parite en politique du moins et qui ont meme elu une premiere ministre a la tete du pays. En tout cas, cette rencontre fut un detail pour l'humanite mais je l'espere un grand pas pour les femmes du village.

Apres ca, j'ai partage mon temps entre l'association l'apres-midi et la ferme d'Ira le matin. Ira est une jeune femme qui a decide de cultiver la terre qui appartenait a ses grands-parents, seule et contre tous ceux qui voient d'un mauvais oeil qu'un proprietaire terrien cultive lui meme ses terres. Ce n'est pas plus difficile parce qu'elle est une femme car ils respectaient sa grand-mere et donc la respectent naturellement mais elle defend des valeurs eninemment humaines a une epoque ou l'Inde se lance corps et ame dans le capitalisme et ou seul le profit compte. Donc elle paye ses ouvriers toute l'annee meme s'il n'y a pas tout le temps du travail pour qu'en mars, lorsqu'elle a besoin de monde pour la recolte, qu'ils lui soient fideles et eux, la laisse tomber parce que le voisin qui a economise tout l'hiver leur offre 50 roupies de plus par jour ... Ils reviendront une fois la recolte finie quand les autres ne leurs donneront plus de travail ...Nous avons passe de longues heures a parler de ses difficultes, de l'ethique qui accompagne son choix de retourner a la terre et je ressens une tendre et profonde admiration pour cette toute petite bonne femme qui se bat, non pas pour elle mais pour que tous vivent dans un monde meilleur. Bien sur ca m'a beaucoup fait reflechir a mes propres projets et je suis determinee plus que jamais a celebrer de mes propres mains ma terre.

En ecrivant tout cela, je comprends pourquoi j'avais la sensation de ne pas avoir le temps d'ecrire! J'etais effectivement bien occupee. Tellement occupee que je n'ai pas vu le printemps passe que l'ete etait deja arrive, prematurement mais deja tres chaud : on depasse les 40 degres tous les apres-midi et le seul moyen de se rafraichir un peu est de plonger dans la riviere!

J'ai quitte Orchha il y a 4 jours, j'ai irrigue la rue de Ganj et le quai de la gare avant de partir ... Je suis une vraie fontaine et je crois bien que les voyages n'y changeront rien! Je suis de passage a Varanasi, en route vers l'est, vers Kolkata. J'ai troque mon velo que j'ai laisse a Orchha contre les trains pas comme les autres de l'Inde populaire. Je retournerai a Orchha : je me suis rendue compte que c'est la premiere fois que je laisse quelque chose d'aussi important pour moi quelque part ailleurs qu'en France! Je voyagerai de nouveau en velo, peut etre ici ou dans un autre pays mais plus tard. Pour le moment je suis arrivee le plus loin que je pouvais sur le chemin a deux roues et j'ai hate de realiser tous ces projets qui ont germe dans mon esprit lorsque je pedalais en Asie ou en Amerique du sud.

Et puisque j'ai le temps, j'ai cree une nouvelle rubrique a droite de ce texte pour partager avec vous mes lectures qui ne sont pas etrangeres dans tous les changements que vous ne manquerez pas de constater lorsque je vais rentrer.

De tres belles photos de Holi sur le site suivant : http://www.boston.com/bigpicture/2010/03/holi_2010.html

lundi 8 mars 2010

La saison des "amours"



Voici enfin le billet promis, en retard mais entre les coupures de courant, les difficultes de connection, mes petites vacances a Khajuraho pour Holi (je ne peux pas dire quand mais il y aura un billet!), la preparation du CA de l’asso et celle de la journee de la Femme (aujourd’hui 8 mars !) … et bien je n’ai pas trouver le temps d’ecrire ! Comme vous le voyez, j’ai retrouve un agenda de Ministre mais « shanti shanti » quand meme et ca me va tres bien !

Alors pourquoi La saison des « amours » avec des guillemets ? Parce que je n’ai pas pu m’en empecher … Plus serieusement, parce que c’est je trouve un peu complique de parler d’amour dans un pays comme l’Inde. C’est pourtant LE pays des plaisirs de l’amour et du romantisme a l’etat pur entre le Kamasutra, le Taj Mahal, veritable hymne a l’Amour eternel, et les love story de 3h produites par Bollywood avec ces actrices aux grands yeux de biche et aux longs cheveux soyeux … Mais la commence le paradoxe indien, avec l’image de la femme qui est tres sensuelle a l’ecran avec des dehanchements, des regards et des decoltes dans le dos de « maboul » mais que l’on ne voit jamais donner un baiser sous peine de tomber en disgrace et de passer pour une femme facile. Des femmes legeres, les Indiens (les hommes) en voient dans des films … pour adultes ! Et ce sont toutes des Europeennes ou des Asiatiques ! J’ai bien l’impression que c’est grace a ces films qu’ils font leur education sexuelle donc vous imaginez assez facilement le regard qu’ils portent sur les touristes et les petites phrases « gentilles » qu’ils nous adressent : « Hello Baby » « Can I fuck you ? » et le pire que j’ai eu, un matin a 6h30 sur le bord du Gange a Varanasi, un mec qui m’accoste et qui me dit que lui est different, qu’il ne veut pas se marier avec moi, qu’il veut juste que je l’accompagne sur son bateau pour faire l’amour parce qu’il ne l’a jamais fait avec une Europeenne ! Devant mon refus, il m’a dit que je pouvais reflechir pendant la journee et le rejoindre le soir si je preferais … Ah ben oui j’avais oublie : tout est possible en Inde !

L’Inde c’est aussi le pays des mariages arranges. Et ce n’est pas une legende ! Certes les mœurs evoluent, en ville surtout, et j’ai parle avec plusieurs jeunes garcons qui disent que leurs parents leur laisseront choisir leur epouse mais ca reste tres minoritaire (on nous a parle de 1% de mariages d’amour !) et ce sont les hommes surtout qui se voit offrir ce choix. La solution alternative mais extreme c’est de s’enfuir avec son amoureuse et de se marier sans le consentement des familles. Generalement, les parents sont furieux mais apres quelques mois la situation se tasse et ils acceptent le mariage pour voir revenir leur enfant … Pour ce qui est des autres, ils attendent le 3eme jours des festivites avant de voir pour de vrai celui ou celle avec qui ils vont fonder une famille et passer toute leur vie.

J’ai ete invitee la semaine du 16 fevrier (jour de chance pour les couples) a deux mariages a Orchha. Le premier, a Ganj, dans le hameau ou j’habite chez l’habitant : c’est un milieu paysan et tres humble et pourtant le barat _la grande ceremonie au cours de laquelle le marie vient chez la mariee, a dos de cheval, suivi d’un mur d’enceintes devant lequel les hommes de sa famille dansent comme des diables, aides par l’alcool_ a eu lieu de nuit ce qui implique des despenses supplementaires car il faut prevoir des lumieres et des gens pour les porter. En attendant que le mari n’arrive, les invites de la mariee, nous avons tous mange chez ses parents. Je n’avais jamais vu une telle organisation et autant de personnes preparer en meme temps des puri (pain rond et plat frit), une montagne de puri !!! Ils prevoyaient de servir environ 800 repas ! La mariee quant a elle n’avait pas encore mange de la journee et devait attendre l’arrivee de son epoux pour se restaurer.

Je lui avais rendu visite en milieu de journee comme il est de coutume. Elle etait barbouillee de poudre pour blanchir son visage au maximum (une peau sombre est un signe de pauvrete … Exactement l’inverse de chez nous ou l’on paye pour faire des rayons et avoir la peau bronzee toute l’anne !). Elle rigolait avec ses amies comme une adolescente insouciante et etait toute exitee par tant d’attentions et de cadeaux. Lorsque je l’ai revue a 20h, ce n’etait plus la meme histoire : son visage etait ferme, elle ne parlait plus ; et lorsqu’elle est apparue dans son sarhee de mariage, couverte de bijoux et de henne, elle avait les larmes aux yeux et semblait vraiment effrayee. Plusieurs raisons : elle etait en marche vers cet homme qu’elle avait seulement entendu au telephone et vu en photo (c’est un sacre progres, il n’y a pas si longtemps la surprise etait totale) et qui allait devenir son mari ; elle avait faim et son anneau de nez lui faisait horriblement mal ! Elle est allee s’asseoir sur son « trone », a cote de son mari, ils ont echange des guirlandes de fleurs sans se regarder dans les yeux, se sont assis de nouveau, se sont pretes a la longue seance photos avec tous les invites, puis le mari est alle manger de son cote et elle du sien. Et la il etait deja 1h du mat donc je suis allee me coucher ! Mais eux ont continue toute la nuit avec plusieurs pujas (ceremonies religieuses) et la fameuse « danse » autour du feu. Les maries tournent autour d’un feu, 7 fois, 7 tours qui ont des significations differentes mais qui grosso modo correspondent a l’echange des consentements chez nous. La femme reconnaît l’homme comme etant son « Dieu » (oui oui carrement !) et promet de ne pas sortir sans lui ou sans son autorisation (no comment !) et l’homme s’engage a la consulter avant de faire une grosse depense … et quoi d’autre deja ? Ah oui, a la laisser sortir toute seule une fois par an pour la fete des freres et sœurs ! Bref … Rajni, la mariee, a quand meme reussi a se detendre un peu et presque a sourire sur les photos. Le lendemain elle etait en larmes au moment de quitter sa famille pour aller vivre dans celle de son mari, dans un autre village. Je ne l’ai pas revue depuis mais je sais qu’elle est revenue rendre visite a ses parents et certainement a ses amies.

Le lendemain, j’etais invitee a un autre mariage mais cette fois-ci de jour et du cote du marie. Meme repas, meme musique electronique a fond, meme rituel religieux, encore plus de peur sur le visage de la mariee et par contre un sourire radieux sur celui du marie … ! Il travaille dans la guesthouse ou j’etais la premiere semaine et m’avait demande un soir de lui expliquer comment il devrait faire lorsqu’il se retrouverait seul avec sa toute nouvelle femme … Il a meme ete assez culotte pour me demander un TP ! Tout le monde a Orchha (meme ses parents) l’appelle Double Zero, parce qu’il n’est rien, mais je peux vous assurer que ce soir-la, il a quand meme reussi a m’estomaquer et que le soir du mariage, j’ai eu une pensee pour cette jeune fille de 21 ans qui allait se retrouver seule avec cet homme frustre de ne pas avoir connu les plaisirs de l’amour avant ses 26 ans … Peut etre que chez nous, les jeunes passent a l’acte un peu trop tot parfois mais l’autre extreme n’est pas bonne non plus car loin de voir en elle une compagne respectable pour la vie, je crois qu’il n’avait qu’une idee en tete … et je trouve ca triste.

Difficile de savoir qui sera heureux et qui ne le sera pas … J’ai vecu chez 3 familles differentes mais les relations homme-femme sont tellement tabous que c’est bien difficile de savoir comment ca se passe dans l’intimite.

Il paraît que ca change, que plus de 50% des jeunes filles n’arrivent pas vierges le jour de leur mariage, defleurees par leur amoureux dans un recoin d’un temple abandonne. On croise tres souvent des hommes qui se tiennent par la main ou par le cou mais je vois encore de jeunes couples hesiter a marcher dans la rue main dans la main a cause des regards reprobateurs. Et enfin pour finir, une anecdote interessante : le jour de la Saint Valentin, le frere de Dheeraj _le responsable indien de l’asso dont j’utilise l’ordi_ devait ecrire un article pour son journal, illustre d’une photo. Certainement par facilite, ils nous a demande si on voulait bien poser ensemble et ensuite il aurait invente une histoire (ca c’est du journalisme !). Parce que je ne sais pas dire non, j’ai accepte mais c’est son redacteur qui a refuse la photo : un couple indien, oui ; un couple « europeen », pas de probleme mais un couple mixte, non ! L’inde avance mais doucement et elle est loin d’etre prete a sortir de ses carcans.